Beni : Autopsie de l’impopularité de l’état de siège au Nord-Kivu (Analyse de Paul Zaidi)

Depuis l’entrée en vigueur de l’état de siège plus de 1000 civils ont été tués dans l’aventure militaire des acteurs armés, l’opération semble également avoir été contre-productive jusqu’à maintenant. Peut-être ce type de mesure inhabituelle pourrait avoir un impact positif à long terme. Mais en l’absence d’avantage de détails sur sa substancialité, il est difficile d’en juger. Ses effets éventuels ne sont en tout cas pas visibles pour le moment.

D’entrée de jeu, l’état de siège est un échec masqué, la population civile continue d’être tuée, les kidnappeurs opèrent au même rythme potentiel sans être soumis véritablement à un obstacle de l’autorité de l’Etat congolais, du coup c’est la révolte populaire qui se déchaîne en outrance.
Toutrfois, le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, après son élection, a fait du rétablissement de la paix à l’Est une promesse ferme.

Les manifestations « anti état de siège » à Beni :

La mobilisation dans la rue en ville de Beni lundi 24 janvier 2022, s’est opérée avec un mot d’ordre simple et terriblement efficace pour les manifestations : « Cessez avec l’état de siège moins efficace et très fantôme », le mot d’ordre a circulé ces derniers jours.

Résultat, le matin de ce lundi des centaines de personnes ont bloqué les axes de circulation en arrêtant tous les véhicules automobiles. L’objectif était d’empêcher les véhicules militaires et les fourgons de police de se déplacer pour disperser les manifestants.

Des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers, de personnes ont pu se réunir en esprit, pour réclamer une nouvelle fois le retour de l’administration civile. Malgré les interdictions de manifester.

Les appels à la désobéissance civile continuent de se propager, en particulier au sein de certaines professions appelées à cesser le travail pour paralyser la province: les enseignants, les médecins, les conducteurs de taxi-motos ou les opérateurs économiques. Finalement la mobilisation passe aussi par les réseaux sociaux en particulier avec des clips posthumes, des photos des morts et d’autres oeuvres d’esprit, juste pour révolter la masse. Au finish, 1 jeune militant de la Lucha et une trentaine des jeunes interpelé par la police.

L’état de siège, une mesure utilitaire ?

L’ultime espoir suscité par la mise en place du régime inhabituel de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et l’Ituri pour briser le cycle des massacres dans la partie orientale de la République démocratique du Congo (RDC) s’est beaucoup émoussé après 10 mois de sa mise en oeuvre, rien n’a changé, Il n’y a rien de nouveau qui a été entrepris. Pour le moment, le désire de la synergie des groupe de pression et des mouvements citoyens est qu’on puisse suspendre l’état de siège qui fonctionne avec une armée infiltrée, une armée indisciplinée, une armée avec des officiers qui détournent les rations et les soldes des militaires au front.

Depuis l’établissement du pouvoir militaire au Nord-Kivu, il y a plus de tueries, plys de cambriolages et on entend plus des coups de feu chaque nuit par conséquent, les morts sont au rendez-vous matinal et ce là au quotidien. Alors, les députés nationaux de l’Ituri et du Nord-Kivu qui avaient déjà manifesté leur désapprobation contre la prorogation perpétuelle. À la surprise générale de tout le monde, Ils n’exigent plus l’évaluation de ce dispositif et l’idéal d’exiger la démission du ministre de la Défense et des deux gouverneurs militaires n’est plus à l’ordre du jour.

Le principe de la proximité de la justice aux justiciables est-elle assurée ?

Les juridictions militaires sont moins nombreuses elles sont donc insuffisantes, cette situation engendre une lenteur dans les procédures de justice.

La réintégration dans la vie sociale des ex anges de guerre, est-elle une stratégie adaptée ?

Franchement, l’état de siège dans son caractère naturel n’est pas l’option bénéfique à l’escalade de la déstabilisation communautaire dans la partie orientale de la RD Congo, parce que l’Est du pays fait face aux problèmes quasi-complexes. Ils sont d’ordre militaire, sécuritaire, économiques, sociaux, fonciers et miniers. Ce sont des problèmes qui se révèlent transversaux. Plusieurs théâtres de redditions des anciens miliciens mai-mai et donc, le programme de Démobilisation, désarmement, relèvement communautaire et stabilisation (DDRCS) mis en place pat l’autorité suprême, est peu reluisant.

Dans tout ceci, la marge diplomatique avec les pays limitrophes accusés clairement dans les massacres, la mobilité des groupes armés qui existent dans ces pays voisins constituent une menace à la sécurité de l’intégrité territoriale.

État de siège liberticide :

Les violations des droits humains, des arrestations arbitraires, des restrictions des libertés, des intimidations en cascades, des condamnations farfelues, des instructions fallacieuses sont en tous cas légion. Le rôle primitif de services de défense et de sécurité est incontournable et indispensable. Cependant, il doit se faire dans un cadre qui assure son professionnalisme et son inclusion dans une stratégie globalement sensible à tous.

L’économie de l’état de siège est-elle pertinente ?

Le budget qui a avait été débloqué pour l’état de siège était de 33 millions de dollars avec une probabilité d’ajout, mais sur terrain les lamentation de la logistique persiste jusque là. Parce que, il existe encore des pratiques dans l’armée, des détournements, des effectifs qui ne correspondent pas à ceux sur le terrain.

Tribune sécuritaire, les options hétéroclites de la guerre à l’Est de la RD Congo,

Les événements qui bouleversent la partie orientale de la République Démocratique du Congo depuis l’année 2014, sont encore aujourd’hui l’objet de questionnements et de remises en cause, sur le théâtre d’opérations du Sud-Est, une réaction en chaîne s’opère. La logique de la « bataille conduite » ou de la « bataille méthodique » devient une logique de la défaite presque méthodique pendant cette période du régime spécial de l’état siège, décrété par le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo en date du 6 mai 2021 en vue de stabiliser la zone qui vit sous le poids de l’escalade de l’insécurité.

L’imagination et l’initiative n’ont eu la chance jusque là, de protéger les populations civiles et du coup, nul doute ne serait intéressant d’approfondir l’analyse conséquente en s’interrogeant davantage sur l’efficacité militaire offerte par les forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) aujourd’hui, en étroite collaboration avec l’armée de la défense des peuples ougandais (UPDF) et dont, ces deux forces appuyées stratégiquement par la mission des organisations des nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco).

Lors de la débâcle, les résultats du terrain varient selon les endroits et les circonstances cependant, les déceptions presque délibérées sont légion.

Paul Zaïdi

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