Tribune : La lutte contre le nomadisme des groupes armés (Alex Ba Matembera)

Les groupes armés sans frontière sont un vieux phénomène en RDC depuis 1960. Ils se déplacent d’une province à une autre. Pour la plupart des cas, ils ont une base arrière hors de nos frontières à cause d’une fraternité solidaire et culturelle transfrontalière. Mzee Laurent Désiré Kabila en est le modèle inspirant, un vrai champion du nomadisme maquisard dans la région du sud-Est congolais. Son paradigme a séduit d’autres imitateurs ambitieux qui ont des velléités de refaire l’exploit. Les enfants soldats d’hier sont devenus des adultes généraux des armées aujourd’hui. Ils ont touché à l’argent et aux fruits de la lutte. Ils brandissent leurs butins et racontent leurs prouesses.

Depuis l’accession de notre pays à l’indépendance, notre histoire politique nous renseigne suffisamment sur ces enjeux qui compromettent à la stabilité politique et à la prospérité de notre patrie. Il s’avère que, quand le pouvoir central est relativement stable et responsable, ces groupes sont moins actifs. S’engager dans un processus de lutte pour éradiquer un mal pernicieux et sournois, demande un élan de solidarité, d’une détermination sans faille et une analyse plus approfondie des défaillances structurelles.

L’état de siège demeure une mission titanesque qui nous plonge dans l’incertitude. Même avec la collaboration de la population, il y a fort à parier que cela prendra des années pour trouver une réponse qui satisfasse à toutes les grognes. Cette mesure de sauvegarde militaire, exceptionnelle est une piste de solution à un problème complexe. La vraie justification de l’instabilité récurrente est une pauvreté systémique et l’absence de l’autorité de l’État incapable de couvrir tous les territoires. Ces groupes vont tout simplement se déplacer là où l’État est moins présent.

Une autre réponse serait une mobilisation générale. Un service militaire obligatoire et une décentralisation – déconcentration de la police. La menace est plus interne d’abord qu’externe à cause d’un vide sécuritaire qui facilite la création des groupes armés et le pillage des ressources. L’autre menace est évidemment la pauvreté généralisée. L’Etat congolais doit s’attaquer aux questions structurelles qui touchent à la paupérisation systémique. Il ne peut pas prétendre lutter contre ces inciviques, quand les commanditaires se pavanent bonnement à Kinshasa. Pour tuer un serpent, on se doit de viser sa tête et non sa queue.

À Watsa, la jeunesse est sans emploi. L’opérateur économique principal est une firme minière qui a licencié des travailleurs sans payer des indemnités de départ. Le désœuvrement constitue une pépinière de recrutement pour les groupes armés. N’est-ce pas que la population est dans ses droits de chasser une compagnie qui pille ses ressources et qui ne fait rien dans l’amélioration des conditions de vie des nationaux ? Le maquis peut constituer une option là où l’État a fui ses responsabilités. Une nation qui possède une richesse géologique diversifiée comme la nôtre, devrait se raviser de relancer une politique qui donne du travail à chaque congolais adulte.

Force est de constater que, si les autorités d’un pays empêchent l’octroi des cartes d’identité à leur population, ils autorisent concomitamment que leur patrie soit une passoire où toutes les sortes de mafia vont transiter. Toute la partie est de la RDC pose des questions d’enjeu sécuritaire à cause d’une incompétence notoire de notre administration publique. Tous les points d’entrée de la RDC sont poreux. Le processus de surveillance et de contrôle est le plus archaïque de l’Afrique centrale. On peut s’infiltrer de partout et passer incognito.

J’ai déjà testé le système à partir du Rwanda, à 400 mètres du point de contrôle de Ruzizi 1er. J’avais payé un piroguier pour éviter les tracasseries du côté Congo. Deux minutes seulement de coup de pagaies, on est à l’autre rive. La traversée par ce passage est tolérée. C’est un gagne-pain depuis des décennies. On y fait passer des marchandises aussi. À Gisenyi et à Bunagana, c’est du pareil au même. La question de la menace frontalière est un enjeu en RDC. La propension à minimiser les effets secondaires et collatéraux de la corruption donne de l’huile d’engrenage à l’insécurité collective.

La RDC, un pays complexe, très multiculturel est entouré de 9 pays voisins. Elle ne devrait pas lésiner sur les moyens sécuritaires pour prévenir des éventuels dérapages en facilitant l’incrustation de la mafia dans son administration. Nos frontières sont très poreuses. Elles vont le demeurer pour contourner les tracasseries et l’inefficacité de nos administrations publiques. Nous serions naïfs d’aller dormir sur nos lauriers avec l’espoir que nos voisins vont veiller sur nous quand nous sommes en profond sommeil. Lisez ce paragraphe entre les lignes.

Cependant, les voisins de la RDC ne sont pas la menace principale. La vraie menace au Congo est le congolais qui a perdu les sens de l’honneur, du civisme, de la dignité collective et de l’amour de la patrie. Le congolais est corrompu fondamentalement. Cette corruption serait la cause de notre pauvreté collective et l’origine des groupes armés qui se pavanent dans le pays au vu et au su des autorités civiles. On ne construira pas la RDC sans un esprit de sacrifice collectif qui prouve notre attachement à notre mère-patrie.

Alex Ba Matembera, Éditorialiste

https://www.echoducongo.com/

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